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La croix de Truffières

se trouve sur la carte IGN 1:25'000, 1834 O, TOCANE-ST-APRE, au point 142, lieu-dit Truffières, 24350 Grand-Brassac, France, position 45°18’35.2"N/0°31’36.5"E.

Après avoir été abattue par un camion elle était remplacée par une colonne de la réserve de pierres de l’ancienne maison forte de Truffières sur laquelle a été fixée une croix en fer très simple. La croix de Truffières est connue par le sobriquet «la croix du diable»1).

Carte IGN 1:25'000, 1834 O, Point 142, lieu-dit Truffières

Dans la région il n'y avait que Guy II Chabot de Jarnac qui était caractérisé par ce surnom. Alors, on peut postuler que c’est lui qui a érigé cette croix au point 142. Mais il faut se rappeler que Truffières appartenait à l’abbaye de Chancelade à partir de 1168-1189, probablement jusqu’à la conquête de la région par le Earl of Derby en 1345 et qu’au cours de la guerre de Cent Ans (1328 ou 1337-1453) l’abbaye de Chancelade a été transformée en forteresse anglaise. Il est possible qu’il avait déjà une croix à cette place avant Guy II Chabot. En tout cas le sobriquet permet de soutenir l’hypothèse que ce dernier a élevé une croix ou remplacé une ancienne croix à cette position géographique.


Qui était Guy II Chabot ?

Guy II Chabot 2), premier comte de Jarnac (?-1605-1646), huguenot zélé, épousait en premières noces (1609) Claude de Montagrier, dame de Marouatte, fille aînée d’Antoine de Montagrier, le dernier représentant mâle de la famille de Montagrier, et d’Isabeau d’Abzac de la Douze. Guy et Claude avaient un fils, Jacques Chabot, qui mourra sans alliance, «imbécile», en 1648. En secondes noces (1620) Guy épousait Marie de la Rochefoucauld-Montendre, fille d’Isaac de La Rochefoucauld, baron de Montendre, et d’Hélène de Fonsèque. Ils avaient six enfants, qui ont été élevés dans la religion catholique par leur mère.

1. Claire Chabot, religieuse carmélite à Paris (1622-1691).

2. Louis III Chabot, deuxième comte de Jarnac (1626-1646-1665).

3. Guy Charles Chabot, dit «Abbé de Jarnac», doyen du chapitre de Saintes (c.1628-1665-1679).

4. François Chabot, dit «Chevalier de Jarnac», chevalier de Malte (1629-1644-1685).

5. Charlotte Chabot, religieuse dans l’abbaye Notre-Dame de Saintes (née c.1631).

6. Marie Chabot, religieuse dans l’abbaye de Notre-Dame de Saintes (née c.1633).

Guy II Chabot était entre autres seigneur de Marouatte iure uxoris (>1615-<1620) et après la disparition de Claude de Montagrier seigneur de Marouatte suo iure (<1620-1646). Il fut chevalier de l’ordre du roi, gouverneur de La Rochelle, capitaine de 100 cheveau-légers, conseiller d’État (1614) et lieutenant du roi en Saintonge (1616) sous le prince Henri II de Bourbon-Condé (1588-1646). En 1638 il était commandant du régiment de cavalerie des Roches-Baritaut. Il a laissé dans le Périgord la réputation d’un seigneur pillard et féroce. On publiait partout que le diable habitait Marouatte. Voici cette légende dans son idiome populaire, avec une exacte traduction 3):

O Mourato,
Lou diablé y sobato;
Y Sobato bé si fort
Qué l’aüvent dé Pignofort.
De Pignofort o Creyssa
Lou diablé gn’y o ré leyssa,
Nouma ün borrouéï dé Porto:
Lou diablé y torno et l’emporto.
A Marouatte,
le diable y fait sabbat,
y fait sabbat si fort,
qu’on l’entend de Peignefort 4).
De Peignefort à Creyssac,
le diable n’y a rien laissé
qu’un verrou de porte:
Le diable retourne et l’emporte.

Tour du Château de Marouatte 45o19’05"N/0o31’12"E

Blason de la famille Chabot


Guy I Chabot de Jarnac, du «coup de Jarnac», était le grand-père patrilinéaire de Guy II Chabot.

Guy I Chabot 2), baron de Jarnac (1514-1559-1584), protégé du roi François I (1494-1515-1547), passait son temps à la cour au château de Saint-Germain-en-Laye. Il épousait en premières noces (1540) Louise de Pisselieu, sœur de la duchesse d’Étampes, qui était la favorite de François I. Ils avaient un fils unique:

Léonor Chabot, baron de Jarnac (1541-1559-1605), ardent protestant. Il était le père de Guy II Chabot, premier comte de Jarnac (?-1605-1646).

Après la mort de Louise de Pisselieu Guy se remariait avec Barbe Cauchon de Maupas. Ils avaient deux enfants:

1. Charles, mort sans postérité.

2. Jeanne, mariée (1560) à René Anne d’Anglure, comte de Tancarville.

Guy I Chabot, 16ème siècle, par Léonard Limousin (c.1505-1577)

Dès 1543, il était capitaine d’une compagnie de 40 lances fournies des ordonnances du roi. Après la mort de l’amiral Philippe Chabot en 1543, Guy lui succédait dans la dignité de maire perpétuel de Bordeaux et de gouverneur du fort du Hâ. En 1545, il était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et gouverneur de La Rochelle. En 1548, il était nommé sénéchal du Périgord, et en 1560, le jour de Saint-Michel, il était créé chevalier de l’Ordre du roi.

Guy I Chabot acquérait une grande célébrité par son fameux duel dit «Coup de Jarnac». C’était après la mort de François I qu’il se battait en duel, le 10 juillet 1547, contre François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraie, en présence du roi Henri II et de toute sa cour, sur l’esplanade du château de Saint-Germain-en-Laye. Il se distinguait par la victoire qu’il y remportait.

Lieu du duel dit du «Coup de Jarnac» sur l’esplanade du château de Saint-Germain-en-Laye, 10 juillet 1547 (environ trois mois après la mort du roi François I)


En 1555, Jeanne III d’Albret (1528-1572) hérite le royaume de Navarre et le comté de Périgord. En même temps, il y a la création de la seigneurie de Marouatte par le parlement de Bordeaux 5).

C’est peut-être plus qu’une coïncidence, puisque Jeanne III d’Albret était connu pour sa politique de changement. C’est elle qui a implanté par ordonnance la religion calviniste dans le royaume de Navarre (1561). Le culte catholique était interdit et le clergé expulsé (1570).

Jeanne III d’Albret (1528-1555-1572), reine de Navarre, par François Clouet, 1570

Par héritage de son père, Henri II d’Albret, Jeanne III d’Albret (1528-1555-1572) fut suo iure (1555-1572):

  • Reine de Navarre
  • Princesse de Boisbelle
  • Duchesse d’Albret
  • Comtesse de Foix, du Périgord, de Rodez, d’Armagnac, de Fézensac, de Bigorre, de Dreux, de Gause, du Perche, de l’Isle-Jourdain, de Porhoët, de Pardiac , de Guînes
  • Vicomtesse de Limoges, de Béarn, de Tartas, de Lomagne, de Maremne, de Fézensaguet, de Dax, de Brulhois, de Cressey, d’Auvillars
  • Baronne de Castelnau, de Caussade, de Montmirail

Dame de la Flêche, de Baugé, de Nérac, de Sully, de Craon, de La Chapelle des Aix-dam-Gilon, d’Argent, de Clermont, de Villezon, d’Orval, d’Espineuil, de Château-Meillant, de Montrond, de Bruyères, de Dun-Le-Roi, de Saint-Gondom, de Corberin, de Chalucet, de Sainte-Hermine, de Prahec, de Lussac, de Champagne, de Blois, de Chisay.

Représentation des armoiries des rois de Navarre de la famille d’Albret. En haut de gauche à droite: Navarre, Albret, Aragon. En bas de gauche à droite: Foix-Béarn, Evreux, sur contre-écartelé d’Aragon, Castille et Leon. En abîme la Bigorre.

Jeanne d’Albret était née à Saint-Germain-en-Laye et grandissait à la cour de France sous l’autorité du roi, son oncle maternel, le roi François I. Elle tentait en vain de résister au projet de mariage politique envisagé par François I. C’est en 1541 qu’elle mariait Guillaume, duc de Jülich-Kleve-Berg (1516-1592). Le mariage fut annulé par le pape Paul III (1468-1534-1549) en 1545. Il n’avait jamais été consommé. Après la mort de François I, Jeanne épousait (1548) à Moulins Antoine de Bourbon, duc de Vendôme (1518-1537-1562). Ils eurent cinq enfants dont deux survécurent:

1. Henri (1553-1610), roi de Navarre (1572-1610) sous le nom d’Henri III, puis roi de France (1589-1610) sous le nom d’Henri IV. Il était également comte de Périgord (1572-1584).

2. Catherine (1559-1604), duchesse d’Albret, suo iure comtesse de Périgord (1584-1604, la dernière des comtes de Périgord), etc. En 1599 à Saint-Germain-en-Laye, elle mariait Henri II, duc de Lorraine et de Bar (1563-1608-1624).

Ecu d’or au soleil d’Henri IV, roi de France (1553-1589-1610)

Banque de France 50 NF sur 5000 francs (Henri IV) – type 1957

Portait dessiné de Catherine de Bourbon (1559-1604) par Nicolas Quesnel, seconde moitié du 16èmesiècle

Armes des Comtes de Périgord

Fidèle à l’esprit de sa mère (Marguerite de Valois, Reine de Navarre (1492-1526-1549) et soeur de François Ier, Roi de France (1494-1515-1547)) Jeanne passait au protestantisme en 1560. En 1568, elle prenait la tête du mouvement protestant. Elle a entrepris de longues négotiations à Paris, pour unir son fils Henri à Marguerite de France (1553-1615), la troisième fille de Catherine de’Medici (1519-1589). Le mariage avait lieu le 18 août 1572. Mais Jeanne d’Albret n’a pas participé à ce mariage, elle mourait de tuberculose le 9 juin 1572. Son décès soudain, affaiblissait le parti huguenot peu de temps avant le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572).


En 1555-1567, sous le roi Henri II (1519-1547-1559) et la comtesse suo iure de Périgord Jeanne III d’Albret (1528-1555-1572), le parlement de Bordeaux partageait d’une manière définitive la seigneurie et justice de Montagrier. A cette occasion un certain nombre de seigneuries étaient créées, entre autres la seigneurie de Marouatte.

Première page du partage de la seigneurie et justice de Montagrier (1555-1567), Archives départementales de la Dordogne (AD24), 2 E 1851, 94.1 & 2 5)

Transcription: 1, (Jun1 10, 1730) (en haut à gauche 1555-1567)

L’AN DE GRACE MIL CINQ CENS CINQUANTE CINQ Et le septiesme jour d’aoust (7 août 1555) a nous Arnauld de Ferron conseilhier du roy en sa court de parlement de Bourdeaulx commissaire et executeur de certain arrest donne par icelle en reste partie De la part de messire Francoys Deydie chevalier seigneur de Ribeyrac et de Montagrier pour la plus grand partie en maistre Jehan Chassaing son procureur en ladite court nous feust presente certainne Sentence de feu monsr maistre Francoys de Caldanet en son vivant conseilhier en ladicte court Ensemble deux arrestz confirmatif dicelle donnez a la requeste dudict Deydie reprenant le prozes au lyeu et droict de feue Catherine de Stue damoyselle en son vivant dame dudict Montagrier Et Jehan de la Roche escuyer seigneur de Soubran & en partie dudict Montagrier Et pareilhement nostre comission dudict jour nous requerant vouloir proceder a lexecution diceulx sentence & arrestz Et pour faire assigner ledict de la Roche pour veoir proder a la lexecution desd’ sentence z arrests verbalment en la salle du pallays luy octroyer noz lettres dataiche au cas requizes qui luy octroyasmes

Page 109/LV du partage de la seigneurie et justice de Montagrier (1555-1567), AD24, 2 E 1851, 94.1 & 2 5). Création de la seigneurie de Marouatte: Les habitants du village de Truffières prêtaient serment au seigneur de Marouatte. Ils juraient de l’obéir et de l’accepter comme leur seigneur et d’être de bons sujets….etc. Le seigneur de Marouatte était Grimoard de Montagrier, le père d’Antoine de Montagrier (?->1615) et grand-père patrilinéaire de Claude de Montagrier. C’était elle qui a marié en 1609 Guy II Chabot, premier comte de Jarnac (?-1605-1646), surnommé «le diable».

Transcription: 109, LV (Jun1 10, 1765, 3ème partie, cliché 9)

Montagrier fismes inhibition et deffence ausd seigneur de Ribeyrac et de Soubran Et a tous aultres en general ne troubler et nempescher aulcunement ledict seigneur de Mourates en ladicte justice Et fismes commandement a Thene la Croix Guilhem Jehan dict Trufieyras Pierre dict de Juby Jehan dict Jonasse Heliet filz de Jehan Pierre Arnault et grand Jehan Bonus y presentz obeyr audict seigneur de Mourates comme leur seigneur desdictz lyeulx dont lavoms miz en possession qui promisrent et iurarent estre bons subiectz aud seigneur de Mourates Et icelluy seigneur de Mourates promist et jura les tenir en leurs franchises et libertez et ce requerant led seigneur de Mourates luy octroyasmes noz lettres pour faire signiffier lesdictes inhibitions a qui bon luy semblera et commandement aulx habitans en ceste iustice de luy prester le serement au cas requiz Et dillec allasmes en ung villaige appelle Lonlaigue en ce requerant ledict Roche pour ledict seigneur de Soubran fismes commandement ez habitans dicelluy obeyr doresnavant audict seigneur de Soubran comme leur seigneur justicier Et Dillec

Sources:

1) Sobriquet utilisé par les habitants du lieu-dit Truffières

2) Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France.., P. Anselme, Augustin Déchaussé, M. du Fourny, T4, Paris compagnie des Libraires, 1728. Cf. aussi site: http://www.histoirepassion.eu/spip.php?article1402

3) Bulletin de la société historique et archéologique du Périgord, T15 (1888), 155-195

4) Château de Peignefort, 24310 Paussac, à trois kilomètres environ

5) Voir Partage de la seigneurie et justice de Montagrier (1555-1567) (cotes: 2 E 1851, 94.1 & 2) sur le site: http://www.guyenne.fr/ArchivesPerigord/Perigueux/Perigueux.htm

6) Cf. http://womenshistory.about.com/od/protestant/a/jeanne_dalbret.htm

De l’internet uniquement des citations munies de références primaires et existantes en version allemande et/ou anglaise et/ou française ont été pris en considération. Cf. ce blog, posts 2014 et 2013, ainsi que jarnaquais.blogspot.ch/2007/117guy-chabot-ier.html ; jarnaquais.blogspot.ch/11/guy-chabot-ii.html